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Le shared space

Afin de répondre à ses objectifs d’aménagement, la ville de Klaskvík a formellement émis le souhait d’aménager le futur centre-ville selon les principes du shared space. La proposition gagnante de Henning Larsen satisfait cette exigence de façon conçise. L’analyse de ce cadre théorique permet de mieux comprendre comment l'aménagement du projet peut influencer la dynamique du futur cÅ“ur villageois.

Historique et mise en contexte

Le shared space - pouvant être traduit par « rue à usage partagé » -  est une approche en design urbain visant à éliminer la ségrégation entre piétons, cyclistes et véhicules, en dépouillant l’espace public des éléments de signalisation routière tels que les feux de circulation, les panneaux de signalisation, les marquages au sol et les bordures, afin de privilégier les interactions entre les différents usagers de la route.

 

Cette approche n’est pas une idée nouvelle. Selon le designer urbain Ben Hamilton-Baillie, spécialiste dans la conception de rues à usage partagé, il s'agit plutôt d’une simple réactualisation d’un mode d’organisation du domaine public prévalent dans les villes avant l’introduction des véhicules motorisés au courant du 20e siècle. La rue, alors vécue comme un espace public inclusif, était souvent le théâtre d’une multitude d’interactions sociales. Il est possible de rencontrer encore aujourd’hui cette dynamique dans les rues de plusieurs petites villes anciennes du sud de l’Europe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’explosion de l’usage de l’automobile au début du 20e siècle amène un nouveau paradigme en ce qui a trait à l’aménagement de la rue. L’ambition de vouloir mouvoir des véhicules avec davantage d’efficacité amène de nouvelles conceptions de la gestion de la circulation routière en lien avec la sécurité et l’accessibilité.  Dès le tout début du siècle, des solutions sont proposées pour organiser la circulation routière, mais ce mouvement atteint son apogée dans les années 1960 en parallèle avec les grands mouvements urbanistiques. Au Royaume-Uni, le rapport Buchanan, Traffic in Towns, publié par le Ministère des Transports en 1963, recommande vigoureusement une séparation claire entre le trafic automobile et les autres activités sociales. Ce document vient établir un cadre législatif de base pour l’aménagement des rues, qui devient éventuellement le modèle dominant pour guider les politiques d’aménagement des rues dans les pays industrialisés, qui sera dorénavant basée sur la ségrégation systématique des modes de transports.

 

Cette approche est maintenant associée à la dégradation et la fragmentation des espaces publics, une réduction de l’accessibilité et un déclin des activités piétonnes et cyclistes en milieu urbain, et ce sans apporter les bénéfices attendus en matière de sécurité routière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les premiers essais réfléchis d’aménagement de rue partagés sont menés par quelques pionniers dans les Pays-Bas vers la fin des années 1960. La woonerf, Â« rue pour vivre Â», est conçue pour décourager le trafic dans les petites rues résidentielles à l’aide d'un aménagement paysager. Ce type de rue devient éventuellement règlementé par le gouvernement en 1976. Leur usage se répand dans le reste de l’Europe, toutefois le mouvement stage dans les années 1980.

 

Le terme shared space est généralement associé aux travaux de l’ingénieur hollandais en trafic routier Hans Monderman. À partir de la fin des années 1970, Monderman développe un type d’aménagement fondé sur l’abolition des mécanismes de contrôle autoroutiers et adapte ces principes à des intersections de plus grande envergure dans quelques villes des Pays-Bas. Monderman est préoccupé le déclin de la qualité visuelle et spatiale de l’espace public, engendré la grande quantité des éléments de signalisation. C'est pourquoi celui-ci remet en question le bien-fondé de ces éléments dans l’aménagement de rues sécuritaires et efficaces.​

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette approche repose sur le principe que la séparation des modes de transport engendre un faux sentiment de sécurité. Chaque usager de la route se sent en priorité dans son propre espace et, par conséquent, agit de façon indifférente à l’égard des autres. Ce comportement joue en faveur des automobilistes qui bénéficient de la protection de leur véhicule en cas d’accident. À l’inverse, le partage informel de la rue engage davantage les différents utilisateurs de la route en les encourageant à la vigilance et à la communication par contact visuel. Les conducteurs automobiles doivent plutôt se baser sur l’observation des gens et de l’environnement bâti plutôt que sur un lourd système de signalisation routière.

 

Le shared space est cependant controversé lorsqu’appliqué à des intersections de plus haute importance. En effet, la perception du danger est augmentée chez les usagers vulnérables telles que les personnes âgées, les enfants, les personnes handicapées, et particulièrement les personnes à vision réduite qui doivent être accommodées lors de leurs déplacements par des indices visuels ou tactiles forts. Cet aspect problématique est la plus grande source de plaintes en Europe concernant les rues à usage partagé.

 

« Mahantthan’s Hester Street, on the Lower East Side, in 1914. »

« Segregation of traffic from civic spaces. â€‹Â»

« Regulation and segregation in the public realm and the resulting clutter - the junction of Kew Road and Chiswick High Road. »

« Une ruelle à Sienne, en Italie »

Intersection De Kaden, à Drachten, dans les Pays-Bas

Le projet de réhabilitation du centre urbain de Klaksvík

La proposition de Henning Larsen Architects comprend l'implantation d'une place publique centrale autour de laquelle des espaces shared space (en bleu) sont aménagés. Le projet est traversé par une voie surélevée de circulation automobile (en rouge)  reliant les quartiers existants entre eux. Cet espace public est accessible en outre par trois chemins piétons (en vert), plutôt conçus comme des promenades. Deux de ces promenades longent le littoral et permettent d'admirer le fjord tandis que le dernier traverse un espace vert. 

 

Le projet de réhabilitation de Klaksvík : schéma des parcours de circulation

Quelques exemples de rue existantes à Klaksvík

 

Un aperçu des rues existantes de Klaksvik, plutôt conçues de manière conventionnelle, pour l'automobile.

 

L'approche shared space est facilement adaptable dans le cadre d’un projet de centre villageois tel que celui de Klaksvík, où la circulation routière est modérée. Quelques facteurs contribuent au succès d'un tel aménagement :

 

  • La mixité des usages est un élément essentiel critique pour assurer le succès d’un aménagement de rue partagée. Ces deux stratégies travaillent en symbiose afin de créer des espaces publics animés et sécuritaires. En effet, la présence de commerces et d’activités favorisant la marche attire les piétons dans le centre. La présence d’une grande quantité de trafic piétonnier tend à ralentir naturellement la circulation en incitant les automobilistes à davantage de vigilance, ce qui à son tour aide à rendre l'espace plus confortable.

 

  • Un aménagement de rue partagée nécessite un niveau circulation automobile modéré et à basse vitesse afin de bien fonctionner. En effet, une vitesse maximale d’environ 32 km/h est nécessaire pour assurer la sécurité des piétons, les utilisateurs les plus vulnérables de l’espace public (Pilkington, 2000). Les travaux de Hans Monderman indiquent en outre que lorsque tous les utilisateurs se déplacent à la même vitesse, ceux-ci se comportent de façon plus sécuritaire.

 

  • Enfin, l’usage de matériaux de surface de sol de qualité tel que des pavages ou des platelages, ainsi que l'installation d'aménagements végétalisés et de mobilier urbain permettant de s’asseoir et regarder les gens aide à créer des espace stimulants et conviviaux favorisant les interactions sociales.

 

Il semble par contre indiqué d'émettre quelques réserves concernant la facilité d'accès au site par transport actif. Afin de bien fonctionner, il a été mentionné qu'il est nécessaire d’attirer une grande quantité de trafic piétonnier dans le centre villageois. Même si quelques promenades piétonnes assurent l’accès au nouveau centre du village, celui-ci semble plutôt fermé sur lui-même, avec une rue partagée en boucle ne possédant pas de connexion avec les rues existantes à l’exception d'une voie de circulation rapide destinée en priorité aux automobiles.

 

Finalement, l'intervention proposée répond à plusieurs des objectifs poursuivis par la municipalité dans le cadre du projet de réhabilitation de centre urbain de Klaksvík. Celui-ci : 

 

  • Participe à la création des plusieurs espaces publics dynamiques encourageant la tenue d’événements de rue diversifiés tels que des cafés extérieurs, des espaces de jeux ou encore de l'animation de rue.

 

  • Participe à la  création d'une ville à l'échelle humaine en encourageant l’usage des modes de transports actifs pour se rendre dans le cÅ“ur du village.

 

  • Améliore la sécurité et la qualité du lieu en diminuant et en ralentissant la circulation automobile.

 

 

Rendu de la place publique centrale

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